Introduction à la TCI

Il nous a pris l’envie, en cet été 2019 de revisiter les étapes de la TCI, en nous appuyant sur notre expérience de respectivement 30 (Jean-Pierre Boyer) et 15 (Nicole Hugon) ans d’animateurs et de formateurs.

Lorsque nous avions entrepris de traduire le manuel TCI pas à pas d’Adalberto Barreto, nous avions réfléchi à la question de savoir s’il convenait d’en faire une adaptation en fonction de notre culture européenne, ou au contraire de rester fidèles au texte initial.

Le choix de la seconde option a sans doute été guidé par l’insuffisance de notre expérience à l’époque : nous avions besoin de tout ce temps pour digérer, apprécier, nous approprier et découvrir et acclimater pas à pas toute la richesse de cette méthode d’animation des groupes.

En écrivant ces petits textes nous avons pu saisir, explorer toute la richesse et la justesse de cette construction, rigueur de la partition et souplesse de l’interprétation.

Nous avons livré l’essentiel de ces réflexions à la communauté de la TCI sur le réseau TCI solidaire.

Nous le mettons maintenant à la disposition de tous pour en faire la critique, l’utiliser éventuellement (le test en a été fait ces jours-ci en module 1 de formation à la satisfaction de tous), et le développer encore.


Dans sa forme actuelle la ronde de TCI est issue d’une construction empirique, élaborée au sein du Projet Quatro Varas pour répondre à une situation de crise dans la Favela, en partant de l’idée qu'il existe un autre savoir que le savoir universitaire : le savoir tiré de l'expérience de vie de chacun. La fonction de la ronde est de faire appel à cette mine d'or habituellement ignorée.

Nous nous sommes aperçus que chaque étape a son importance en préparant le groupe et chaque participant à être dans les meilleures dispositions d'esprit pour parler de son expérience et profiter de l’expérience d'autrui en activant notre intelligence sensible (imagination mémoire émotions créativité…). Avec le temps le dispositif s'est enrichi et amélioré toujours dans le sens de l’horizontalité et du partage, dans un espace favorable à ce que chacun, devenant thérapeute de lui-même puisse changer et vivre de mieux en mieux les tourbillons de la vie.

Cette réflexion nous a amenés à réfléchir sur la structure de la ronde, les rapports entre la rigueur du cadre, du timing et des règles et la souplesse et les possibilités créatives qu’elles permettent : au fil du temps ainsi, chaque animateur de ronde va trouver son style propre, sa façon de faire, ses trouvailles, à partager avec d’autres lors des indispensables intervisions.

L’appréciation finale, en se demandant ce que je vais garder et ce que je ferais de différent est réellement une invitation à construire, créer, adapter. Ce qui fait que toutes les rondes de TCI, d’ici ou d’ailleurs se ressemblent, si le déroulement des étapes et les règles sont là, mais que chacune a son caractère propre : aucun copier-coller ici, mais une création vivante, toujours en mouvement.

Pour revenir au cadre, chaque étape est indispensable et prépare la suivante, dans une progression qui nous amène à la partie la plus importante de la ronde, ce qui en fait toute la puissance : le partage des ressources. Ensuite, clôture et appréciation permettent aux animateurs et aux participants de revenir ici et maintenant, en toute sécurité. 

L'accueil (1) : Souhaiter la bienvenue et présenter la TCI.

 Petite remarque préliminaire : dans « accueillir », il y a cueillir, c'est à dire choisir, désirer. Il est intéressant de manifester par un ensemble de messages que chacune des personnes est considérée, estimée et authentiquement la bienvenue. L’accueil se doit d'être actif et désirant pas seulement de recevoir l'autre, mais de se montrer intéressé par sa présence. Le « I » de TCI signifie intégrative et d'une certaine façon inclusive.

Cette première partie de la TCI tient son importance du ton qu'elle propose à la rencontre dès son commencement par la présentation.

La ronde se dessine avant même la réunion de ses membres. Mise en place des sièges, de la petite table au milieu avec boissons, gâteaux ou fruits marquant le désir de partage et de convivialité. On souhaite ainsi la bienvenue à tous ceux qui arrivent, en accueillant aussi les retardataires… avec au besoin une petite chanson appropriée.

Une fois les participants installés le co-animateur explique avec ses mots ou avec ceux appris au cours de sa formation, ce qu'est cette ronde. Il est évidemment préférable qu’il parle avec sa sensibilité, sa singularité de ce que représente pour lui la TCI.

« Nous sommes là pour partager nos expériences de vie nos soucis et aussi nos solutions. »

Il y a bien sûr autant de formulations que d'animateurs qui d'ailleurs changent souvent leur façon de présenter la ronde.

Généralement la présentation s'appuie sur l'idée que chacun possède en lui, même s'il l'ignore et quelles que soient sa situation et ses difficultés, des trésors de savoir-faire et façons d'être qu'il tire de ses expériences de vie et qui sont utiles aux autres. La ronde est là pour mutualiser l'expression des façons de faire en rapport à une situation problème choisie par le groupe parmi les difficultés présentées par les participants.

Certains animateurs parlent de marché commun ou de foire aux solutions. En tout cas le groupe s'appuie non sur des considérations intellectuelles théoriques ou un savoir académique mais bien sur les expériences vécues par les participants de ce qu'ils en ont appris et comment cela leur a permis concrètement de changer. C'est bien le concept d’expérience qui est valorisé, de ce qui est singulier à chacun de ce qu'il a fait de ce que la vie lui a proposé. C'est en cela que la TCI est intrinsèquement une démarche résiliente.

Cette présentation-proposition implique que tout participant en tant qu'humain a autant d'importance que quiconque. Pour symboliser et matérialiser cette idée (valeur) forte concrètement, il est parfois demandé aux membres du groupe de participer à la construction d'une ronde harmonieuse où tout le monde est sur la même ligne, personne plus devant au derrière que les autres, ce qui permet que chacun puisse voir et entendre les autres sans avoir besoin de se démancher le cou.

Cette horizontalité est une force notable dans la mesure où elle invite tous les participants à apporter leur expérience au même titre que les autres.

La présentation de la TCI doit aussi tenir compte du contexte dans lequel elle se déroule : qui sont les personnes présentes ? Dans quel lieu ? Dans quelles circonstances ? A-t-on à faire à des habitués ou au contraire à des personnes ne connaissant pas la TCI ? Est-on dans un contexte d’enseignement ou d’intervention communautaire ? Quelle est cette communauté ? Quelles sont ses valeurs ? Etc.. À ce titre, il est bon de baptiser le groupe, ce qui matérialise une certaine intention, le projet du groupe.

Ensuite sont, dans l'ordre ou non, l'expression des bonnes nouvelles (moments agréables anniversaires commémorations), les règles de fonctionnement puis la « dynamique », afin de relier la parole au corps. De retrouver une parole incarnée en sollicitant les sensations, l'imagination, les souvenirs la créativité, le VAKOG (Canaux sensoriels : Visuel, Auditif, Kinesthésique, Olfactif, Gustatif). L’ordre dans lequel ces éléments sont amenés est sujet à variations, mais chacun de ces éléments doit être présent, chacun a son importance. 

L’accueil (2) : Présentation des règles

 Ce moment est essentiel. Le co-animateur demande qui assiste à la ronde pour la première fois et ensuite indique qu'il est important d'énoncer ou de rappeler les règles permettant une communication respectueuse, pacifique, protectrice des « sans voix ».

La règle essentielle principale, véritable valeur organisatrice de la TCI, est que chacun parle de son expérience et seulement de son expérience vécue. Les autres préconisations sont des déclinaisons de cette règle de base.

Parler en JE, de son expérience, à la première personne. C’est la règle centrale, structurante : parlant en JE, je ne peux pas faire de généralités ou donner de conseils. J’ai vécu, ressenti, fait telle ou telle chose : impossible de blesser l’autre de cette façon.

Règle difficile à respecter, tant l’habitude est tenace de dire « On », « Nous », voire « Tu » ou « Il ». Parce que ces dernières formulations nous permettent de nous cacher derrière les autres, de déplacer l’accent de moi à l’autre. L’accent et la responsabilité. En parlant en JE, je témoigne, je m’expose, et je m’oblige à parler seulement de ce que je connais de première main. Comme en justice, le « on dit » n’a pas valeur de témoignage.

Deuxième règle essentielle : faire silence quand quelqu’un s’exprime. Marque de respect, mais aussi occasion d’apprentissage, d’élargissement de son point de vue. « Deux oreilles pour écouter, une seule bouche pour parler… ». Le silence est d’or… Écouter en silence c’est aussi se donner une chance d’entendre mes propres résonances, de revisiter ma propre histoire.

Il découle de ces deux règles le bannissement des longs discours : parler brièvement, pour laisser la place aux autres, à l’écoute. Apprendre à se limiter, à faire de la place aux autres. Et pour finir, on évitera conseils, jugements et interprétations. Pour faire bien comprendre l’importance de ces règles, on peut suggérer avec un brin d’humour : vous est-il arrivé de recevoir des conseils non sollicités ? Et qu’est-ce que ça vous fait ?

La règle indiquant la possibilité et l’intérêt d’intervenir sous différentes formes, proverbes, chansons, histoires, blagues peut selon les cas être énoncée ici ou au moment de l’étape de choix du thème (pourquoi et de quoi parler?). Nous ajoutons que chacun peut, si c’est plus facile, s’exprimer dans sa langue maternelle (plus aisée pour l’expression des sentiments et émotions), et traduire ensuite pour le groupe, soit lui-même, soit en demandant l’aide d’un autre participant. 

Comment les présenter ?

Plusieurs options : soit l’animateur en charge de l’accueil les énonce et les explique (nouveau groupe) soit il s’appuie sur le groupe pour énoncer et expliquer chaque règle.

Il peut être utile d’avoir des panneaux inscrits sur les murs de la salle pour les rappeler, soit sur des cartons que l’on dispose au centre de la ronde. On peut aussi demander aux participants sous forme d’un petit jeu : « À votre avis, quelle est de toutes ces règles, celle qui vous sera le plus difficile à respecter ? ». Bonne façon de proposer à chacun de s’interroger sur ses propres travers de communication, et de stimuler la vigilance. 

Pourquoi les présenter à chaque fois ?

Pour bien mettre au courant les nouveaux participants, et replacer le cadre du groupe, sa sécurité à chaque ronde. Si une personne arrive en retard, on peut les présenter à nouveau rapidement, tout en précisant que les animateurs se chargeront de les rappeler tout au cours de la ronde si quelqu’un se loupe… Ces rappels en cours de ronde sont en principe de la responsabilité de l’animateur en charge de l’accueil (co-animateur)… 

Quel est leur rôle ?

Central : elles organisent en effet un espace de parole, d’écoute et de lien protecteur pour chacun des participants, donnant place à la parole (JE) à l’écoute, et créant la possibilité du lien grâce aux résonances de l’écoute active.

La règle essentielle principale, véritable valeur organisatrice de la TCI, est que chacun parle de son expérience et seulement de son expérience vécue. 

L'accueil (3) : Parler des bonnes nouvelles, des succès, des dates significatives.

Avant la dynamique corporelle, qui effectue la charnière entre l’accueil et la partie centrale de la TCI vient un moment où le groupe est sollicité à prendre la parole.

Maintenant, avant de parler de ce qui nous fait souffrir, nous allons prendre le temps de partager des bonnes nouvelles, des choses agréables, des occasions de gratitude : « Qui veut parler d’une bonne chose qui lui soit arrivée récemment : anniversaire, fête, succès, bon moment… ? » Pourquoi commencer par cela ?

Tout d’abord pour apaiser la possible crainte de certains participants : « je ne veux pas raconter mes problèmes devant tout le monde ». Parler de ce qui va est souvent plus facile, et permet d’apprivoiser la parole.

Ensuite, parce que parler de ce qui est bon, des succès, anniversaires, jolies rencontres, belle expérience, etc. donne aux participants une possibilité d’être reconnus : on me dit bon anniversaire, on applaudit à mon succès, on sourit à la description d’un joli lever de soleil… Très bon pour l’estime de soi… De plus, chacun peut se rendre compte qu'entendre parler d'une expérience positive réveille en nous le réservoir des sensations et émotions agréables et nos bons souvenirs.

Enfin, parce que nous sommes portés à accorder plus d’attention à ce qui va mal qu’à ce qui va bien dans nos vies. Faire attention, mettre en relief les bonnes choses demande un effort conscient, une forme de discipline. À dépasser une sorte de culpabilité attachée au bonheur, au plaisir… comme si le bonheur des uns faisait réellement le malheur des autres.

D’autant plus difficile pour ceux qui sont en souffrance : cette dernière est la priorité du moment, ce qui les mobilise, et il peut leur paraître futile ou indécent, voire dangereux d’enlever un peu de leur attention à la situation qui pour eux est une urgence.

Cet effort nous aide à faire une sorte de balance entre ce qui nous fait souffrir et ce qui nous réjouit. Trop souvent, en effet, nous avons tendance à valoriser ce qui ne va pas, plutôt que ce qui va.

Culture, mais aussi instinct, car la perception d’un danger doit provoquer des mesures d’urgence pour se protéger, donc sollicite des émotions fortes et utiles comme la colère ou la peur. Alors que l’évocation des bons moments ne sollicite que notre joie, notre surprise, notre amusement…

Mais selon notre bon ami Spinoza, seule la joie rend intelligent : commencer la ronde par un partage de joie, c’est se disposer à l’intelligence, à la conscientisation, à la réflexion. Se mettre en bonne disposition pour ce qui va suivre…

Et aborder avec une forme de joie les épreuves et les crises… les regarder avec d'autres lunettes...autrement ! Il est particulièrement important de remercier sincèrement chacun pour sa contribution, d'avoir apporté une bouffée d'oxygène, de la bonne humeur une autre couleur ou tonalité aux échanges. 

L’accueil (4) : Dynamique d’accueil

C'est le plus souvent après l’évocation des bons moments de la semaine passée, événements, anniversaires… que le co-animateur propose ce que nous appelons dans notre jargon TCIste une dynamique. Ce vocable met l'accent sur la dimension active de l'exercice contrastant avec le réflexif et intellectuel de ce début de ronde. L'idée souvent exprimée comme telle pour expliquer le bien-fondé de cet exercice est de se mobiliser, se réveiller en activant nos sensations, souvenirs d'enfance, imagination et capacité ludique. Afin de se préparer dans le projet de partager nos vécus, nos expériences de retrouver une parole incarnée sensible centrée sur soi et non une posture réflexive intellectuelle distanciée. Quelque soit l’expérience ou exercice proposé, chanson enfantine avec gestes adaptés « savez vous planter les choux », « dans sa maison un grand cerf », dans mon pays d’Espagne, olé ! », ou l’opéra de la pluie, les spaghettis qui cuisent ou la présentation de chacun en s'identifiant à un animal et en évoquant un bel endroit ou.. toute proposition nouvelle et créative.. Cela revient à proposer un lâcher-prise ludique en sollicitant l'intelligence sensible de chacun. Et à se mettre dans les meilleures dispositions pour laisser venir les résonances, remonter les souvenirs et réminiscences et vivre sur un mode de rêverie de changement favorisant l’ouverture au changement à d'autres façons de voir et de prendre les choses.

Bref, cela nous prépare à la séquence suivante.

Dans cette phase tout particulièrement, de même que durant la clôture il est important de laisser chacun libre de participer ou non à la dynamique surtout si celle-ci s’accompagne de contact ou de toucher qui peuvent mettre certains mal à l’aise.

À la fin de la dynamique, il peut être intéressant de demander aux participants leur ressenti, ce que ça a pu changer pour eux. Le co-animateur au terme de la dynamique remercie le groupe et passe le relais à l’animateur pour la phase suivante sur l'évocation des souffrances et le choix de la situation problème à partir de laquelle l’échange d’expériences vécues va pouvoir s'effectuer. Le changement de position durant la dynamique (se lever, se mélanger, quitter sa place) permet en outre de marquer le passage de la phase d’accueil aux séquences suivantes.

Cette attention au corps est une des caractéristiques originales de la TCI. On intègre le corps dans le travail, du groupe, on considère chacun dans son entier, corps, esprit et âme, sensations et sentiments, mouvement et immobilité. Encore une façon de plus de faire vivre le terme de thérapie communautaire INTÉGRATIVE. Attention au corps que l’on retrouve dans les formations.

Cet aspect peut, pour certains, être un peu déstabilisant, d’où l’importance de préparer soigneusement les participants en expliquant auparavant ce que l’on va faire, quel en est le sens, et pourquoi. Je ne peux pas m’empêcher de raconter, de partager une trouvaille des stagiaires du module 1 de Nantes en septembre 2019 : La dynamique du petit caillou dans la chaussure : en cercle, en se tenant par les épaules ou la taille, chacun secoue un pied pour essayer de loger le petit caillou d’un côté ou de l’autre, puis de guerre lasse, enlève la chaussure et jette symboliquement le caillou au milieu de la ronde pour pouvoir passer au choix de la situation problème (du petit caillou)… En introduction, on a d’abord fait la remarque que lorsque nous sentons un petit caillou dans notre chaussure, nous avons tendance à commencer par essayer de le faire se loger dans un coin non gênant de la chaussure pour continuer notre chemin sans nous arrêter. L’échec de ces tentatives nous contraint à nous arrêter, et à prendre le temps de chasser l’intrus. 

L’énoncé de la situation problème (1) : Le cadre

C’est la première partie de la deuxième étape de la ronde. L’accueil a permis à chacun de se sentir à l’aise, protégé par les règles.

L’animateur qui a réalisé l’accueil va passer la parole à son collègue, en le présentant. Ce dernier revient si nécessaire sur une règle oubliée, et pose le cadre dans lequel le travail va se dérouler : 

1) Pour commencer : Pourquoi parler de ce qu’on a sur le cœur, dans un cadre sécurisé.

 L'animateur peut le faire de deux façons : en expliquant lui-même l’intérêt de la parole, pour ne pas tomber malade, de préférence en s’appuyant sur des expressions populaires ; ou alors en s’adressant au groupe : « à votre avis, pourquoi est il bon de parler dans le groupe ? » ce qui a l’avantage de mobiliser les participants. 

2) Ensuite : De quoi parler.

 C’est le moment de préciser qu’il est important de garder pour soi ce qu’on n’est pas encore prêt à partager. Paradoxalement, cette précision facilite la parole. On suggère d’évoquer une situation qui fait problème en ce moment et ce que ça provoque sur le plan émotionnel, en quelques mots. Commentaire d’une participante : « on part d’un petit problème, mais on creuse profond ». Préciser à ce moment que la situation choisie par le groupe sera détaillée d’avantage à la phase suivante avec la personne dont la souffrance aura été choisie par le vote. 

3) L’animateur invite alors les participants à dire leur prénom et proposer leur situation problème.

Il est bon de respecter le silence du groupe, silence qui correspond à un moment d’introspection pour chacun. Puis fuse une première question, puis une deuxième, etc.

Quelques écueils fréquents :

  • Personne ne parle. Inquiétude de l’animateur… On attend un peu et on peut relancer ; on sollicite les personnes dont le langage corporel semble indiquer une envie de parler… mais rassurons nous, ça n’arrive presque jamais.
  • La personne qui veut présenter sa difficulté le fait dans un flot de paroles où chacun peut se perdre. Noter soigneusement les premières paroles. Tout y est en général. On peut aussi demander à la personne : « Peux-tu résumer pour le groupe, en quelques mots ? »
  • L’animateur se sent dérouté par le propos qu’il ne parvient pas à synthétiser, souvent parce qu’il est pris dans ses propres résonances. S’appuyer alors sur son collègue, ou, mieux encore sur le groupe : « Je n’arrive pas à saisir et à synthétiser la souffrance de cette personne, est-ce que quelqu’un peut m’aider ? ».
  • La personne évoque une situation en ne s’y impliquant pas : « l’incivilité », par exemple. Faire reformuler en « JE » et faire préciser : « cela semble important pour toi, mais dis-nous ce que tu ressens à ce sujet » ? quelle émotion, sentiment, ça provoque en toi ?
  • La personne évoque une situation et une émotion sous forme d’une expression populaire : « ça me fait flipper », « ça me la coupe », « Je me sens déchiré, paumé, etc. ». Ces expressions sont précieuses, car elles font « image » et expriment des sentiments complexes. Ne pas insister en demandant si c’est de la tristesse, de la colère, etc. Conserver avec soin ce joyau…
  • Deux personnes proposent un sujet très voisin : s’attacher à l’émotion ressentie : si c’est la même, on peut proposer de fédérer les deux sujets. Si ce n’est pas la même émotion, garder les deux.
    Dans cette phase le rôle du co-animateur est d’aider l’animateur en rappelant les règles (surtout le parler en « je » et les longs discours, d’être attentif aux doigts qui se lèvent ou au non verbal, et, si nécessaire, de prendre le relais si le sujet proposé est difficile pour l’animateur.
    Chaque situation problème est notée sur la fiche de séance, pour ne pas trahir ensuite ce qui a été dit, après s’être bien assuré de l’accord du participant.
    Le rôle de l’animateur est multiple : respecter la parole de l’intervenant en notant et rappelant ses propre mot (on a tôt fait de les mettre à notre propre sauce spontanément par le filtre de notre histoire). Comme dit plus haut l’essentiel est donné dans les premiers mots (tout ce qui vient ensuite répond au besoin de se faire comprendre et donc au sentiment tenace de n’être jamais compris). Il se doit de retenir une situation problème sous la forme d’une émotion liée à une situation. « Peur de la bagarre », « bouleversé par la misère ambiante », « en rogne contre le fils feignant ». Plus la phrase est courte plus elle suscite des résonances. Les écueils pour l’animateur sont nombreux. Tentation d’aider, en finissant les phrases avec sa propre sensibilité, de reformuler à notre manière ce qui est dit et qui nous paraît plus compréhensible, chercher le mieux disant en cherchant à préciser l’émotion alors qu’elle est là. En bref, on peut dégager trois règles nouvelles pour l’animateur, que l’on peut nommer la règle des trois pas: pas vouloir, pas savoir, pas comprendre, règle qui assure respect, écoute véritable et ouverture à des chemins de résonances inédits. 

L’énoncé de la situation problème (2) : Le groupe choisit

Une fois que toutes les situations sont données (et il est nécessaire d’en avoir plus d’une), le groupe doit faire un choix. Pourquoi cela ? Pourquoi ne pas aborder toutes les situations dans une discussion générale à bâtons rompus ?

Pour plusieurs raisons.

Choisir, c’est pour celui qui a parlé de sa souffrance, de la relativiser, et de choisir éventuellement de s’intéresser à celle d’un autre. Relativiser, prendre de la distance, se reconnaître dans l’autre. Bon exercice de santé mentale.

Choisir, c’est se reconnaître en l’autre au travers des résonances que l’on ressent en soi. En choisissant l’autre, c’est soi-même que l’on choisit. C’est donc une occasion de conscientiser ses propres émotions, sentiments, expériences.

Choisir enfin, c’est expérimenter la démocratie. Si mon choix n’est pas retenu, je peux en effet me sentir un peu frustré, mais je suis invité par le choix majoritaire à explorer d’autres sentiers, auxquels je ne pensais pas… l’animateur va énoncer toutes les propositions et demander aux participants, s’ils le souhaitent d’exprimer en quoi telle ou telle souffrance les a touchés, en quoi cela leur parle…

Chacun peut alors s’exprimer brièvement : je suis touché par le sujet de A et aussi par la situation de B parce que j’ai déjà connu ça, parce que je suis touché par… Occasion pour le groupe de valoriser les personnes ayant parlé de leur situation problème et de commencer à tisser des liens, des identifications.

Ce moment ou chacun a l’occasion de dire ses préférence est souvent considéré comme un temps ludique moins important que le reste.

Et pourtant, il a un grand intérêt, celui de préparer le groupe aux partages d’expériences. C’est un moment de maturation de recherche intérieure. J’ai (ou nous avons) remarqué à plusieurs reprises que l’évocation des raisons d’un choix rappelle des expériences auxquelles on ne pensait pas simplement en éclairant la situation problème sous un angle inattendu, alors qu’au départ cette situation ne nous touchait pas.

Quand les situations problématiques paraissent très proches le souci de trouver un consensus (pour éviter la frustration) pousse certains à proposer de les rassembler. L’idée de consensus est contradictoire avec le processus. Cela revient à valoriser la situation plus que la souffrance c'est à dire la façon particulière et souffrante de prendre les choses . Il est nécessaire de respecter chacun dans sa singularité, c’est-à-dire dans sa façon très personnelle d’être liée émotionnellement à sa situation.

Après quelques minutes d’échange, on passe au vote : préciser qu’on ne vote qu’une fois ; si le groupe est très nombreux, on pourra demander au co-animateur de venir au centre pour compter les bras qui se lèvent, ou, mieux, un membre du groupe.

Attention, même si un thème obtient d’emblée une majorité absolue, il est important de soumettre toutes les propositions au vote, car, même si elles ne recueillent que très peu de voix, il se crée un lien d’identification qui pourra donner lieu après la ronde, à des échanges entre personnes partageant une problématique voisine.

Noter soigneusement les scores et s’il y a un ex æquo, on fait un deuxième tour, comme dans une élection.

L’animateur remercie tous ceux dont la situation n’a pas été retenue. Ceci est très important, afin de ne laisser personne sur le bord de la route en exprimant de la reconnaissance, pour leur contribution.

On propose aussi à ces personnes, si elles le désirent de proposer leur affaire la prochaine fois (si c’est toujours d’actualité, car, parfois, les résonances et la réflexion de la ronde permettent de trouver déjà une issue), ou de les voir en fin de séance pour un bref entretien ou une orientation.

Il est utile à ce propos que les animateurs disposent d’un solide carnet d’adresses, une bonne connaissance des ressources du territoire : la ronde de TCI n’est pas une île, elle se doit d’être en lien avec la communauté où elle intervient.

Il annonce ensuite la phase suivante en expliquant brièvement ce qu’on va faire : Maintenant nous allons travailler plus profondément sur la (émotion) (situation)… 

La contextualisation

C’est la troisième étape de la ronde TCI.

Elle commence après les remerciements d’usage adressés aux personnes dont la situation problème n’a pas été retenue. « Merci pour avoir apporté votre concours à la ronde, vos témoignages étaient très intéressants, mais la sensibilité des participants a conduit à choisir une autre problématique que la vôtre. Vous pourrez à l’occasion d’une prochaine ronde proposer à nouveau votre situation ou en parler à la fin de la ronde avec les animateurs si vous souhaitez une orientation. » Il est alors proposé à la personne dont la situation a été retenue d’en dire un peu plus si elle le souhaite. Parler du contexte, de sa responsabilité dans sa difficulté et tout ce qui lui paraît utile d’indiquer pour faire saisir de quoi elle souffre.

Ensuite, la parole appartient à tous ceux qui souhaitent poser des questions. Il est important ici que les animateurs précisent que la personne concernée garde la liberté de répondre ou non et d’exprimer également le besoin d’arrêter le questionnement. Il peut aussi suggérer aux participants le genre de questions à poser : pas de conseils ou de jugements déguisés, des questions qui aident à mieux comprendre la situation sans aller chercher de détails anecdotiques.

Parfois, surtout si la situation renvoie à des événements graves, le groupe risque de se fasciner et de demander des détails qui vont renvoyer la personne dans le passé et dans sa souffrance. Il revient à l’animateur de ramener la ronde ici et maintenant, par exemple en demandant : « il semble que vous ayez vécu des choses très dures, très douloureuses, mais aujourd’hui, en nous en parlant, quel est votre sentiment actuel à ce propos ? ». Cette interrogation permet à la personne de mesurer le chemin déjà parcouru.

L’important pour préparer le groupe pour la phase suivante d’échange d’expériences est de s’attacher plus au processus qu’aux détails factuels et d’aider la ronde à aller vers la résilience.

À travers le partage des expériences de vie et des solutions des uns et des autres, celui qui a présenté sa souffrance, pourra, s’il le peut, trouver son propre chemin de vie. Le plus important est de trouver matière pour le groupe à réfléchir sur ce type de problèmes. Il arrive parfois que la personne concernée décide de quitter la ronde, ce qui n’empêche pas de continuer.

Le rôle de l’animateur et du co-animateur est comme toujours de veiller au respect des règles. Toute question peut être l’expression d’un conseil masqué, d’une interprétation ou d’un jugement.

Exemple : est que tu ne pourrais pas faire…, as-tu pensé à... ? est ce ça ne viendrait pas de… fermeté et délicatesse sont de mises pour orienter différemment ces questions y compris en invitant à exprimer leur expérience personnelle dans la phase d’échange qui va suivre. Les questions résilientes sont évidemment bien venues, comme : « as-tu déjà vécu des difficultés comparables ? est-ce que cela te rappelle quelque chose ou quelqu’un. Quelle valeur ou conviction est remuée par ce qui est arrivé ? À quoi t’invite cette expérience ? » ou un peu provocatrice « peux-tu imaginer deux manières d’aggraver la situation ? Si tu étais quelqu’un d’autre, qu’oserais-tu faire ? ».

Il s’agit essentiellement de susciter un éventail de résonances pour favoriser la rêverie et le processus de scanner aidant chacun à revisiter sa propre histoire.

En posant des questions de ce type, les participants vont apprendre peu à peu à orienter leur réflexion vers les solutions et la résilience, et donc en bénéficier pour eux-mêmes.

Cette phase préparatoire ne doit pas s’éterniser ni favoriser quelque harcèlement de la personne questionnée mais ouvrir le champ des questions, des possibles, des autrement. Il est important que l’animateur soit attentif au bon moment pour mettre un terme à cette phase y compris en frustrant, si nécessaire des participants désireux de poursuivre le questionnement.

Cet échange de questions-réponses est susceptible de mieux faire préciser le contenu de la souffrance et même d’en révéler des aspects plus prenants et plus interpellants pour l’ensemble des participants et amener l’animateur à modifier la formulation de la situation problème avec l’accord de la personne concernée ou même de proposer à la place de la question joker une question plus générale dite symbolique. 

La question posée au groupe

« Qui de vous a déjà vécu une chose semblable d’une façon ou d’une autre, et qu’avez-vous fait pour vous en sortir ou pour vivre avec ? Et peut-être ce que cela vous a apporté ou appris ou révélé de vous. »

Cette question marque un point de bascule dans la ronde : juste avant, on a approfondi avec la personne dont le sujet a été choisi, c’est-à-dire que le groupe s’est focalisé sur une histoire individuelle. Ceux qui ont posé des questions l’on fait à partir de leurs expériences, de leurs savoirs et des résonances que la situation problème n’a pas manqué d’évoquer en eux puisqu’ils ont majoritairement voté pour elle… Occasion de revisiter leur histoire…

Maintenant, on passe explicitement de l’individuel au collectif.

Il faut donc que la question posée au groupe fédère un maximum de participants.

La question Joker est généralement pertinente en ce qu’elle laisse tout l’espace à ces multiples résonances croisées. L’expérience montre que dans ce cas les expériences rapportées par le groupe explorent la thématique dans différentes directions.

Pour le meilleur (élargissement du thème) ou pour le pire (confusion et incohérence des échanges).

À ce propos il est de bonne pratique de répéter toutes les deux ou trois contributions la question posée au groupe de façon à ne pas trop dériver.

Pour autant, il peut être intéressant de construire une question au groupe en passant au mode symbolique, suivant en cela les recommandations du manuel TCI pas à pas. Mais, ce que ne dit pas le manuel, c’est : comment s’y prendre ?

Dans la situation présentée, l’animateur aura noté un certain nombre de mots-clés. Il aura été sensible à la structure de la situation (perte, deuil, conflit, agressions, stress…) et à l’émotion qui l’accompagne.

On peut donc, à partir de ces éléments, poser une question au groupe qui mette en valeur le type de situation, laissant ouverte la possibilité d’évoquer différentes réactions émotionnelles au sein du groupe : Exemple : qui a déjà subi une agression et qu’avez-vous fait pour vous en sortir ? La variété des émotions, sidération, peur, colère, honte ou culpabilité, puis soulagement et fierté de s’en être sortis peut alors s’exprimer, valorisant les solutions.

On peut aussi se centrer sur l’émotion : exemple : La question : « qui de vous a déjà ressenti de la rancune et comment avec vous fait pour la dépasser » ? Va davantage solliciter le groupe au niveau de la façon de faire avec un sentiment, une émotion assez universelle.

L’inconvénient (et l’avantage) du mode symbolique est qu’il oriente la réflexion des participants dans une direction donnée. Le groupe suivra… ou pas… et fera dans ce cas comme si on avait posé la question Joker. 

Comment choisir entre ces trois options ?

C’est de la responsabilité de l’animateur. Il n’y a pas en la matière de bon ou de mauvais choix. Ce peut être l’occasion, lors de l’appréciation de poser aux co-animateurs la question : « si vous aviez animé à ma place, quelle question auriez-vous aimé poser au groupe ? ».

Exercice très formateur.

À noter que la question (symbolique ou non) invite, ensuite, l’animateur dans le temps des témoignages d’expériences à faire preuve de créativité : Il peut par exemple demander que tous ceux qui se sont sentis abandonnés ou trahis de se regrouper au centre de la ronde entourés par le reste des participants. Formalisant le bateau (ou autre) de l’abandon ou des trahis, des blessés, des culpabilisés.. et de proposer à ceux qui les entourent de manifester leur soutien par des gestes ou des paroles appropriées répétés en cœur à trois reprises (afin que le sens d’une autre façon de voir les choses s’inscrivent réellement.) Exemples : « toi, tu es unique… » ou « tu as notre soutien, nous ne te lâcherons pas… » « Je me pardonne, je te pardonne, etc. »

Une autre proposition créative est d’inverser la question, en invitant à inverser les rôles (souvent entre la situation de parent et la situation d’enfant) ou de demander à ceux qui n’ont pas vécu un conflit ou une souffrance, « comment avez-vous fait pour que cela n’arrive pas ? ». 

Le Partage des expériences de vie

 C’est l’étape la plus longue de la ronde (30-45 minutes), et il est important de ne pas trop traîner sur les étapes précédentes pour laisser assez d’espace à ce moment essentiel : C’est là que chacun ayant revisité un peu son histoire lors des phases précédentes, va pouvoir faire part de ses expériences dans des situations ou face à des sentiments et émotions semblables. 

Pourquoi est-ce important ?

Parce que les ressources mises en œuvre sont pour ceux qui écoutent l’occasion d’imaginer d’autres façons de faire.

Parce que ces ressources, bien au-delà des solutions offertes par les professionnels, s’appuient sur les capacités propres de la personne, sur ses amis et sa famille, sur sa culture, ses croyances, le souvenir des ancêtres, etc.

Bref sur la personne tout entière et donc sur un registre beaucoup plus étendu que celui proposé par les spécialistes de tout poil, registre amplifié encore par les apports de tous les participants… 

Dans cette auberge espagnole, quel est le rôle des animateurs ?

  • Inviter la personne dont la situation problème a été retenue à se mettre en retrait, à l’écoute de la richesse des témoignages apportés par le groupe. À ce propos il est demandé aux différents intervenants de ne pas s’adresser à cette personne, mais à l’animateur et au groupe.
    En effet avec l’expérience nous nous sommes rendu compte de l’importance de cette consigne : s’adresser à cette personne directement revient à recentrer la narration sur elle et pour elle. Elle est alors prise par l’attention qui lui est portée et perd sa liberté de laisser résonner ou non ce qui est dit.
    De plus, cela décentre le locuteur qui ne parle plus vraiment pour lui-même mais pour l’autre à qui il tient à apporter son message et son aide.
  • Veiller aux règles : pas de conseils, de jugements ou de discours. Pas de prêche. Ramener gentiment la personne qui se laisse aller à cela aux règles, soit en lui demandant : « pour toi ça a fonctionné ? Peux-tu nous redire ça à la première personne ? », soit avec humour… Il peut arriver qu’une personne tienne bon et continue son prêche… Ne pas lâcher l’affaire.
  • Veiller à ce que chaque personne qui le désire puisse s’exprimer, notamment en étant attentif au langage non-verbal. Le co-animateur aide en étant signalant les doigts qui se lèvent, parfois timidement.
  • Lorsqu’une ressource semble particulièrement intéressante, on peut aider à mettre en valeur les façons de faire mais aussi les prises de conscience par des questions résilientes : « Comment as tu trouvé cette solution ? Quelle est la force, l’appui qui t’a aidé ? Sur quelles valeurs t’es tu appuyé ? qu’est ce que cela t’a apporté, qu’est ce que tu a appris de cette expérience ? Elle t’a invité à quoi ? ... ». On dit souvent « qui oublie l’expérience est condamné à la répéter ». Pour le coup se remémorer une expérience de vie donne l’occasion de la considérer et de nourrir la réflexion comme en regardant ce miroir qui reflète le vécu et d’en tirer profit, apprentissages, découverte de certains aspects de soi. Cette façon de faire est très utile dans les petits groupes, et donne plus de substance à des échanges qui sinon pourraient être un peu pauvres.
  • Les animateurs peuvent aussi faire part de leurs expériences personnelles de dépassement, montrant ainsi qu’ils se mettent au même niveau que les autres participants, en évitant bien entendu de se donner en exemple et d’en profiter pour donner des conseils… Tentation présente pour chacun à tout moment.
  • Remercier, remercier, remercier… Pour arrêter un trop long discours, pour ponctuer après chaque intervention, pour saluer ceux qui écoutent avec attention… On pourrait voir dans cette expression de gratitude seulement une astuce technique permettant de ponctuer les propos et de passer la parole à un autre intervenant, mais ces mercis ont aussi une grande signification. Ces remerciements ne doivent pas être feints mais sincères, manifestant une reconnaissance pour la contribution et le « don de soi » apportés et riches pour le groupe.
    Enfin remercier à la fin tous les participants avant de redonner la main au co-animateur pour la clôture. Noter les solutions et ressources pour l’appréciation et le suivi du groupe. Enfin, laisser l’espace aux savoirs populaires et culturels en proposant soi-même ou sollicitant le groupe pour une chanson, une référence littéraire, cinématographique ou sous forme de dictons, adages, aphorisme.. La part de la sagesse populaire est souvent bienvenue. Bref, cette étape, qui semble demander peu d’interventions « techniques », est un moment de grande attention et présence au groupe pour les animateurs, moment de partage fraternel, de mise en valeur des différences et de la richesse offerte par les différentes cultures ou façons de voir… C’est là que se nourrit la tolérance, l’accueil de l’autre et l’intérêt pour ce qu’il a de différent de moi. 

La clôture

Avant-dernière étape de la ronde, avant l’appréciation, c’est généralement le co-animateur qui reprend la main.

Elle a de nombreuses fonctions, et c’est sans doute pour cette raison qu’elle peut poser à l’animateur (novice ou expérimenté) quelques difficultés, à savoir : Où donner de la tête ? Que privilégier ? Doit-on énumérer les perles ? Comment valoriser sans juger ? Est-ce que ça ne fait pas un peu secte de se tenir par les mains ou les épaules ? Quelle chanson choisir ? Etc. Énumérons quelques-unes de ses nombreuses fonctions :

  • Affirmer un lien de solidarité en établissant pour ceux qui le veulent un lien physique (en se tenant par les épaules ou plus confortablement en se tenant la main et se touchant par les pieds). Elle permet de faire circuler l’énergie dans la ronde.
  • Elle symbolise le soutien social et l’entraide entre participants. Souvent est entonné au rythme d’un balancement une petite chanson comme « Je me balance, je me balance et ne tombe pas car je m’appuie sur toi et tu t’appuie sur moi ». Du sens peut être donné à cette danse comme dans la vie nous sommes souvent bousculés et déstabilisés par des événements et le soutien et l’entraide est très important.
  • Le co-animateur rappelle s’il le souhaite les perles qui ont émergé du temps de partage remercie tous les intervenants et invite ceux qui le souhaitent à faire part de ce qu’ils retiennent de ces échanges et avec quoi ils repartent. Chacun est ainsi appelé à revisiter ce qui s’est passé pour lui ce qui l’a touché et fait avancer, et, éventuellement, cerise sur le gâteau, exprimer une perle avec laquelle il repart - y compris celui dont la situation problème a été choisie par le groupe. Une prise de conscience, une idée pertinente qui a pris forme pour lui sur des façons de faire autrement, de surprise, un éclairage une ouverture sur des options ou des façons de faire autrement.
  • Ce temps de réflexion et de partage est particulièrement créatif, il permet à chacun d’évoquer les différences apportés pour lui par les échanges et résonances qui ouvrent à autre chose.
  • C’est aussi une façon en marquant la fin de la ronde d’ouvrir à la suite d’une réflexion personnelle suscitée par la dynamique de la richesse du partage.
  • La phase de clôture permet à chacun des participants de revenir « les pieds sur terre », de revenir dans le quotidien, enrichi du travail de la ronde, mais tout à fait éveillé et présent à la réalité, après ce voyage intérieur où il a pu avec les autres, mais avec lui-même aussi, revisiter des moments de son histoire personnelle.
  • Il est important de respecter le rythme de maturation de chacun et de ne pas par exemple solliciter celui dont le thème a été choisi pour évoquer ce qu’il retient de la ronde, tout en sachant qu’a la possibilité comme chacun de s’exprimer. Souvent les différents témoignages mettent du temps a prendre place pour lui et à trouver la forme de différences dans la façon de voir et de prendre autrement la difficulté. Chez les animateurs surtout au début le besoin de reconnaissance et l’envie de connaître l’impact des interventions amènent à le solliciter.
    Ce désir de savoir peut être ressenti comme intrusif, interrompant le travail de maturation en cours en le mettant en demeure de répondre à la demande de l’animateur alors qu’il n’y est pas prêt.
  • Par contre, il est souvent bienvenu de lui demander s’il a une chanson à proposer pour terminer la ronde. Chanson entonnée en chœur et qui souligne l’importance d’appartenance au groupe, d’être et de faire ensemble.
  • Très souvent, la ronde se termine par des applaudissements exprimant joie et satisfaction vécue dans ce moment de partage et de créativité. Et parachève le retour sur terre en toute sécurité. 

L’appréciation, partie intégrante de la ronde.

Dans la description du déroulé de la TCI, historiquement, il était compté 5 étapes.

Souvent après une ronde les gens discutaient un peu de comment cela s’était passé, et il est apparu intéressant de considérer ce temps de discussion ou de debriefing comme faisant partie intégrante du déroulement de la TCI.

Ce moment, appelé au début évaluation, sûrement du fait de la pression culturelle (on pèse, on mesure, on qualifie, on quantifie et on critique, on compare, on performe dans la lignée du discours de l’Ordre, de l’Utilitaire et du Profit) (Poder et Dineiro : Henri le Bourcicault) – un clin d’œil pour les brésiliens).

Cette couleur d’échanges est apparue rapidement incompatible et même contradictoire avec l’esprit de la TCI, comme si d’un seul coup, une fois pliée la ronde, on pouvait revenir à la verticalité, au jugement, aux conseils, aux interprétations, aux grands discours…

C’est sûrement la raison pour laquelle, même une fois renommé appréciation, ce temps est redouté, zappé, oublié, négligé, évité sous des prétextes divers, afin de ne pas risquer de retomber dans la classique pédagogie ancienne des fautes, des erreurs et des injonctions.

Et pourtant, et pourtant…

Cette phase est essentielle si on veut valoriser l’expérience, saisir plus finement le style de chacun et faire évoluer les pratiques.

La TCI n’est pas un objet figé comme au Musée Grévin, c’est une pratique dynamique qui doit s’affiner, évoluer avec la participation de tous les acteurs.

Autant dire que « appréciation » n’est pas « évaluation », n’est pas corrigé d’épreuve ou de texte, ni enseignement magistral des anciens aux nouveaux. Sûrement pas.

Comme dit Paulo Freire on apprend de soi même en relation avec l’autre et le monde. Autrement dit, les « anciens » au même titre que les « petits nouveaux » ou les participants ont à tirer profit de ce moment de réflexion. Nous dirions même plus : plus on a d’expérience et plus on bénéficie d’une réflexion qui nous sauve de la routine, de se croire « arrivé » et d’oublier notre inachèvement et de s’ouvrir à de l’autrement.

Cette réflexion nous donne une idée, une proposition de la façon d’organiser ce temps : Ce n’est certainement pas par la question que se pose l’équipe d’animation : Comment on a été, qu’est-ce que vous en pensez, ou qu’est-ce qu’on devrait faire autrement.

Autrement dit l’appel au jugement, aux conseils et au dogme.

Pour revenir à la TCI puisque c’est une des parties du déroulement, restons jusqu’au bout avec l’éthique de la TCI et ses règles, et parlons chacun uniquement de son expérience de cette ronde, et donc évidemment à la première personne.

De fait, c’est à l’animateur et au co-animateur de faire son auto appréciation : ce qu’il a aimé, ce qui a été difficile pour lui et ce qu’il a appris, l’invitant à amener des différences pour la prochaine ronde.

Et c’est ensuite et seulement après que chacun pourra faire part de son expérience dans la ronde qui vient de se dérouler et de ce qu’il retire ou dégage comme perle j’ai été touché par…, j’ai aimé telle ou telle façon de faire et ça m’a permis de réfléchir à ce qui est important pour moi. Ça me donne aussi des idées pour faire peut-être autrement.

Apprenons ensemble à valoriser ce qu’on peut tirer des soi-disant erreurs. 

En conclusion

L’appréciation est une phase essentielle et dynamique pour l’avenir, qui fait partie intégrante de la ronde et qu’à ce titre doit respecter l’éthique et les règles de la TCI.

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